« S’il te plaît, apprivoise- moi ! »

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Journal « Le Bien Public » Mai 1992

Chat - Fanny

C’est très facile, tu verras : on t’expliquera tout. Ne crois pas que je vais dévaster ton appartement ou te sauter au visage ! Dans la rue, j’ai eu froid l’hiver, j’ai eu mal quelquefois, grand faim souvent, peur tout le temps… Alors, j’irai me cacher sous une commode, je n’oserai ni me montrer ni manger en ta présence. Je n’abîmerai rien, je serai propre tout de suite, mais il me faudra le temps de comprendre que tu me donnes le droit d’être là, que la pâtée est déposée là pour moi, que je n’ai plus à la voler !

Il me faudra quelques jours ou quelques semaines pour oublier la peur que je n’ai jamais cessé d’éprouver depuis ma naissance. Alors, je sortirai, tout doucement, de dessous la commode, je ferai deux pas timides vers toi… La première caresse, tu t’en souviendras toute ta vie et, comme ceux qui, avant toi, n’ont écouté que leur coeur, tu diras dans quelque temps que tu n’as jamais connu un animal plus attachant et plus reconnaissant que moi…

Je m’appelle Fanny, je suis très petite, stérilisée, tatouée et vaccinée. J’ai sept ans. Il paraît que je suis une exception : la durée moyenne de vie des chats des rues est de deux ans. Mais, si tu m’apprivoises, je pourrai t’aimer pendant une bonne dizaine d’années encore.

On te demandera bien plus que de l’argent : on te confiera ma vie. Vincent et Sidonie auraient pu t’expliquer ça eux aussi. J’ai été choisie parce que je suis la plus âgée, mais j’ai tellement peur de n’avoir pas bien su défendre notre cause ! Nous ne pouvons même pas aller au refuge… Tu n’aurais pas une petite place pour moi, s’il te plaît ? J’ai tellement peur de retourner à la rue !

On est responsable pour toujours de ce qu’on a apprivoisé.

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